Janelle Monae, Suite II And Suite III « The Archandroïd » @@@@@


Je commence par la fin : The Archandroïd de Janelle Monae est l’album le plus fabuleux que j’ai pu écouter en cette fin de décennie. Je suis formel sur cette affirmation. Moi qui pensais que Return of the Ankh de la reine de la Nusoul Erykah Badu serait l’album Soul de l’année 2010, j’ai aussitôt placé ArchAndroïd en tête de liste, de peu. Car Janelle est une artiste tout bonnement phénoménale et incroyable, impératrice d’une musique Soul fusion d’avant-garde.

Découverte par Big Boi alors qu’elle a à peine la vingtaine, Janelle Monae dévoile une partie de son potentiel sur la bande originale du film Idlewild des Outkast, sur la chanson « Call The Law ». Tout le monde était unanime sur le talent dont elle regorgeait, ce morceau est passé dans le radar d’un chercheur de talent justement, P Diddy, qui la signe chez Bad Boy Records. Janelle sort un premier EP en 2007 (réédité été 2008), la Suite I d’une quadrilogie : Metropolis. Les extraits « Sincerely Jane » et « Many Moons » donnent un visage à cette cantatrice exceptionnelle au look furieusement néo-rétro (costume très smart, banane en guise de coiffure…), de surcroît une formidable danseuse. Un succès critique tel qu’elle est embauchée, avec Cee-Lo (Goodie Mob, Gnarls Barkley) entre autre, pour la campagne de pub pour Coca Cola, avec son single « Open Happiness ».

The Archandroïd nous présente la Suite II et III.

Pour être un grand artiste, il faut posséder un univers qui captive et qui lui est propre. Janelle Monae nous immerge dans le sien dès l’ouverture de cet album avec un orchestre symphonique d’où distillent toutes ses influences, qu’elles soient musicales (avec une versatilité qui dépasserait celle des Outkast) et d’une science-fiction ancienne (je pense au film d’anticipation Metropolis de Fritz Lang qui date de… 1927). Avec une extra-terrienne comme Janelle Monae, l’auditeur vogue dans un monde imaginaire et fantasque, dans le passé, présent et futur fusionné, au point de se demander si la ville où elle a enregistré ce chef d’oeuvre n’est pas Atlantis au lieu d’Atlanta… A la production éxécutive, Big Boi des Outkast et Diddy, mais leur influence est quasi imperceptible, pour peu qu’ils en aient eu.

Une fois la présentation achevée, une ligne de basse catapulte le flow stellaire de Janelle sur le rythme soutenu de « Dance or Die ». Oui, vous avez bien lu, elle sait très bien rapper entre quelques mots de Saul Williams. Puis la musique s’accélère frénétiquement avec « Faster » sur du Funk post-moderne, diablement accrocheur, une envie de se lever et de bouger s’empare de nous, irrésistiblement. Irrésistible comme ce « Locked Inside » dont le panorama d’instruments qui virevoltent autour d’elle rappelle les belles heures des Earth Wind & Fire. « Sir Greendown » part dans tout autre chose, une mélodie zen, doucement électronique, similaire aux délires de Plastic Beach des Gorillaz. Une excellente façon de goûter à la beauté de la voix de Janelle. Un moment de plénitude qui précède la tempête « Cold War ». L’énergie de ce single est d’origine nucléaire, un beat over-boosté qui rappelle automatiquement l’éléphantesque « B.o.B » des Outkast, avec une profusion d’orgues et de guitare rock qui se déchaînent comme les éléments. Et ce n’est pas fini puisque le funky single « Tightrope » featuring Big Boi provoque obligatoirement quelques pas de danse. Redoutablement efficace. Passé l’interlude « Neon Gumbo » qui repasse la bande à l’envers, Janelle use de tout son charme pour « Oh, Maker », une balade candide d’où ressortent les sentiments d’une femme blessée par un amour impossible et qui pourtant y a beaucoup cru. Ce qui conduit au jazz-rock « Come Alive » qui ambiance du tonnerre. Tonitruant jusqu’ jusqu’aux dernières secondes, où Janelle avec sa maîtrise vocale hallucinante proche des chants lyriques d’opéra atomise, voire humilie, 95% du r&b actuel, Beyoncé comprise, en hurlant pendant plus de dix secondes en tenant la note. Si j’avais des cheveux, je serai sûrement décoiffé. Et ce n’est pas terminé, « Mushroom & Roses » entonne sur un air rock/soul amer, au milieu duquel la voix tremblante de Janelle est amplifiée électriquement par un porte-voix. On sent comme une inspiration Kravitzienne dans cette chanson qui conclut la fin de la Suite II par une mini-symphonie de violons.

Cet air de violon revient faire la transition sur l’ouverture philharmonique de la Suite III, magnifiquement. Une ouverture qui nous emmène avec légèreté dans la splendeur de « Neon Valley Street », à la fois organique et cybernétique. Ce morceau est à Janelle ce que « X-Factor » est à Lauryn Hill. La suite est plus joyeuse avec cette promenade electro-pop excitante et flashy « Make the Bus » entre Londres et Tokyo avec les Of Montreal. La divertissement atteint son apogée sur « Wondaland », un vaste paradis dont on imagine le panorama idyllique en fermant les yeux. Quand la comparaison avec Wanderland de Kelis nous vient à l’esprit, on trouve celui de Janelle sensiblement moins synthétique. Loin de cette soul science-fiction, « 57821 » est encore une parfaite démonstration de la polyvalence de miss Monae, de cette capacité à changer de style comme de chemises, ici en mode folk. Et alors que l’on approche de la fin de The Archandroïd, hélas, c’est bien un sentiment de mélancolie qui nous envahit malgré nous à cause de la tristesse qui habite « Say You’ll Go ». Mais rien ne nous prépare à cette séparation déchirante avec notre attachante femme cyborg sur « BaBopByeYa ». L’émotion est à son comble tant l’orchestration atteint des sommets, et cette voie divine qui nous appelle pendant ces huit minutes d’adieu. Y a-t-il un mot plus fort que ‘pharaonique’? Après deux Suites qui restent gravés dans nos connexions neuronales, ce final est à tomber parterre, comment ne pas tomber en admiration et vénérer cette femme.

Fabuleux je vous dis, fabuleux et extrêmement novateur.

10 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Mastazob dit :

    Parfait.

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  2. hum hum merci ca peut etre util gracias pour le partage ^^

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  3. Nass' dit :

    On s’en cogne des critiques. Vous appréciez l’album ? Tant mieux et tant pis pour les autres. Sinon The Archandroid est un vent de fraîcheur qui souffle et balaie d’un simple revers de la main toutes ces pseudo-chanteuses qui croient que la musique est un moyen de déballer du contenu pornographique.

    Immense, hallucinant de maîtrise, ce Archandroid m’a fait voyager dans ces cités tentaculaires de SF à admirer les grattes-ciel et autres vaisseaux spatiaux ou à prendre place dans une salle d’Opéra pour écouter des choeurs grégoriens. C’est une Bande Originale de film avec du chant, je le vois comme ça.

    Say’ll You Go propose une conclusion qui fera date dans mes oreilles (et certainement dans les vôtres) avec sa ligne organique, aquatique pour se terminer par une phase piano/chant qui fera couler les larmes. C’est insolent de perfection. Et que dire des paroles…

    Album Soul de l’année et peut-être un classique (on verra avec le temps). Je suis impatient de recevoir mon exemplaire, j’en peux plus. Et super chronique Sagi^^

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  4. loungin dit :

    Great review dude. Barely speak french but trying to.
    Holla!

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  5. Jaylinx dit :

    Bizarre le traitement accordé à cet album, y’a clairement deux discours.

    D’un côté, on voit une presse dithyrambique, des critiques quasi-unanimes pour une artiste fraiche, talentueuse, multi-influencée et innovatrice sur certains plans. Le tout surplombée de grosses prestations télé.

    Et de l’autre le public, je vois sur Deezer, pas grand monde a aimé l’album, certains trouvant sa voix agaçante, d’autres trouvant que c’est super commercial (c’est vrai que des rythmes syncopés, des trucs super psychés, des featurings hauts perchés et des morceaux en reverse c’est top commercial…). Sur certains forums fr de Soul, ça vire presque au règlement de compte ou au délit de sale gueule, c’est hyper virulent envers elle et on la taxe d’opportunisme…

    Résultat, ce qui devait être une agréable surprise musicale 2010 pour la critique se retrouve un peu en queue de boudin pour l’instant, ses ventes ne sont pas faramineuses aux US et l’album est toujours en import en fond de rayon à la FNAC…

    Perso pour moi c’est une immense claque que je me suis pris dans la gueule, okay c’est bourré de tout et de trop sur chaque mm² du CD, mais c’est couillu à mort et souvent intelligent. Ses prises de risques sont souvent payantes. Cold War est le B.O.B. RnB 2010, Neon Gumbo trouve le moyen d’émouvoir en backwards, Mushroom & Roses est une petite pépite psyché (vite fait la référence à Kravitz, on va dire que c’est du Kravitz à l’époque où il savait piller). Marrant comme Neon Street Valley m’a aussi fait penser à mort à X-Factor ! Et 57821 m’a fait totalement fondre. Seul bémol, le morceau avec Of Montreal… qui ressemble à s’y méprendre à une mauvaise face B d’Of Montreal…

    Bref déçu, je pensais que ça allait être une explosion atomique, mais c’est à peine un pétard mouillé pour l’instant. Elle mérite tellement plus…

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    1. Yo Moma! dit :

      C’est clair qu’elle mérite beaucoup plus d’attention cette fille. Les gens sont en train de passer à côté de quelque chose d’énorme.

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  6. Yo Moma! dit :

    Enfin un vent de fraicheur dans le Rn’b mainstream. Marre de voir toutes ces poupées sans véritable talent (Rihanna, Cassie, Kerri Hilson, etc…). On voit bien avec cet album qu’elle est la protégée des Outkast (prise de rique, éclectisme, folie, univers propre, etc..). Elle vient mettre un gros coup de pied au cul de ces pouffes toutes droit sortie de l’usine MTV/BET/ « Air’n b » et sa c’est bien. Hey Sagitarrius tu va chroniquer le dernier Jamie Lidell ou pas? C’est une tuerie. Peace.

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    1. Sagittarius dit :

      Jamie Lidell j’ai pas écouté. J’ai déjà une pile d’albums à chroniquer là lol désolé…

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  7. No' dit :

    Merci pour cette excellente chronique.. Je n’ai pour ma part pas encore eu le temps de diggérer son album tellement il est hétéroclite au bon sens du terme

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