Rendez-vous inloupable avec l’une des formations les plus informatables du troisième millénaire : les Gorillaz. Plus qu’un simple side-project du leader des Blur, ce groupe génialissime a, en deux albums et une multitude de singles inoubliables, marqué cette décennie, qu’il achève avec ce Plastic Beach. Et ils reviennent de très loin, nos quatre personnages cartoonesques emmenés par l’alter-ego de Damon Albarn ont navigué vers des océans inexplorés en quête de découvertes.
Il y a un sens caché à cette île de plastique. D’abord, à entendre le titre phonétique, les esprits mal-tournés penseront à un synonyme de ‘poupée gonflable’… Cette métaphore représente un paradis artificiel, un idéal créé par notre société qui détourne notre regard de la vraie nature. Combien de gens étendent chaque été leurs corps sous les ultra-violets sur du sable pollué par les hydrocarbures et déchets de plastiques? C’est sur cette thématique écologie vs consumérisme que nous allons voguer avec 2D, Murdoc, Noodle et Russle, sur un air… marin de l’orchestre sinfonia ViVa. Les Hypnotic Brass Ensemble prennent le relai par une illumination de cuivres, laissant ensuite place à une rythmique servant à la phase d’introduction « Gorillaz and the Boss Dogg, Planet of the Apes ». C’est bel et bien la voix de Snoop Dogg, ses paroles qu’on entend sur ce message de bienvenue sur Plastic Beach. Il prête sa voix sur ce titre alors que Damon s’occupe du vocoder. Le monde à l’envers !
Un nouveau monde déboussolant au possible mais ô combien trippant. Un autre orchestre, oriental (libanais) cette fois, ouvre « White Flag », prélude d’un riddim ragga-tronique à mélodie ludo-minimaliste sur lequel Kano et Bashy, rappeurs issus de la scène grime, harponnent leurs flows. (Comme vous le voyez, je suis obligé d’inventer des termes pour parler de cet expérience musicale.) C’est complètement dingue, personne n’attendait les Gorillaz ici, sur des terres électro-pop inconnues. Quoique si, si on regarde avec le recul nécessaire l’évolution naturelle de leur musique et des modes du moment. Sauf que les Gorillaz ne surfe pas sur une vague de 2m de haut, mais baignent dans une mer d’idées que eux seuls ont trouvé, des associations de genres improbables qu’ils ont su astucieusement arranger. Je poursuis l’aventure avec « Rhynestone Eyes », chanson plus typiquement Gorillaz, premier titre où nous pouvons écouter la voix fatiguée de 2D à travers un mégaphone.
Piste 5 et 6 : les deux singles. Le premier, « Stylo » et son clip démentiel : une course-poursuite dans de grosses cylindrées entre les Gorillaz (qui sont passés à la 3D) et… Bruce Willis. Mos Def participe à cette track efficace en lançant un PSA ainsi que Bobby Womack, dont l’image de la tempête s’annonçant la vidéo convient parfaitement : lorsqu’il se met à chanter, la tension devient orageuse. On retrouve d’ailleurs notre chanteur Soul, plus calme et léger, sur « The Cloud of Unknowing », ce qui conforte cette représentation météorologique. « Superfast Jellyfish » est le second single, une second collaboration avec les De La Soul qui se trouvent comme des poissons dans l’eau sur ce titre hip-pop sous-marin. Pas aussi bondissant et marrant que « Feel Good Inc » mais pas moins fun, ça donne envie de chanter le refrain à tue-tête !
Puisqu’on ne peut pas trouver de précieux métaux sur leur île flottante, cela ne m’a pas empêché de découvrir le secret de leurs sonorités uniques : les lieux d’enregistrements, absolument inhabituels. Le Studio 13 restait le point de ralliement, mais les Gorillaz ont joué les globe-trotters, entre New-York, HollyWood (où niche Snoopy), Damas, le Niger, sur des plages du Sud de l’Angleterre et dans des décharges appartenant à l’entreprise Veolia, et même dans l’usine de moteurs d’avion Rolls Royce ! Comme on dit souvent, il faut de tout pour faire un monde, surtout le leur.
Les mélodies, qu’elles soient organiques ou non, s’accordent à cette expédition océanique (ou non…), comme les pianos de « Empire Ants » avec Little Dragon dans seconde moitié du morceau. Un superbe titre, l’un des meilleurs de Plastic Beach, avec « Broken ». Peut-être parce que Damon est très présent dessus et que la musique fait travailler notre imagination, pour nous situer dans leur monde imaginaire inspiré du réel. « Melancholy Hill », « Plastic Beach » avec Mick Jones et Paul Simonon, l’hawaiien « To Binge » et « Pirate Jet », avec « Superfast Jellyfish », les Gorillaz traversent les ports et les époques (des 60s aux années 80), en recyclant de vieux synthétiseurs pour créer des ambiances bord de mer. Pour un peu, on se croirait vraiment dans la version animée de La Vie Aquatique (une comédie satyrique très décalée et kitch inspirée des expéditions du Commandant Cousteau avec Bill Murray).
Alors que l’on pensait avoir tout vu tout entendu, les Gorillaz n’ont pas cessé de se singulariser. Il y a ce « Glitter Freeze » résolument électro qui fera vriller les oreilles donc – je vous en conjure – baissez les aigus ! Mos Def réalise un one shot impeccable avec son flow malléable sur « Sweepstakes », surtout que le beat préprogrammé est piégeur, maculé de notes d’électroniques simplistes, qui finit littéralement en fanfare. L’un des rares luxe que se permettent les Gorillaz, c’est d’inviter le grand Lou Reed sur le très sympathique « Some Kind of Nature », sur une mélodie pop dont ils ont le secret de fabrication…
L’univers des Gorillaz est le seul à harmoniser musique aqua-électronique, britpop et orchestrations symphoniques, Snoop Dogg, De La Soul, Mos Def et Bruce Willis, Blur, japanimation, Bobby Womack, Lou Reed et Little Dragon. Encore plus fou que la série Lost.
Parfait.
J’aimeJ’aime
Un article à la hauteur de l’album : excellent.
J’aimeJ’aime