J‘aime bien considérer le Jazz comme le grand-parent du Hip-Hop, une filiation directe qui s’explique par une transmission à travers l’histoire de ces deux cultures afro-américaines et dont l’hérédité « génétique » s’est produite par le biais du sampling. Les deux genres se côtoient de temps en temps dans ce qu’on appelle souvent du hip-hop/jazz ou du hip-hop jazzy, c’est selon. Y consacrer un album tout entier sur le thème du Jazz des années 60 est l’idée commune de J.Rawls des Lone Catalysts et John Robinson des Scienz of Life alias les Jay Are. The 1960’s Jazz Revolution Again (Beat Vision/Groove Attack), ou l’histoire qui se répète.
Les rôles sont logiquement répartis entre les deux protagonistes : J.Rawls infusera ses instrumentaux de musique Jazz sur ses beats et John Robinson créera avec son timbre de voix enfumée l’atmosphère brumeuse. L’écoute débute par « A Lesson From Trane », reprenant les paroles du célèbre jazzman John Coltrane, précédé de la présentation « It’s Jay Are », accompagné par des cuivres chaleureux et une vibe très classe. John se montre très à l’aise dans ce style tranquille et classieux, développant son flow et ses storytelling jamais inintéressants (« The Lee Morgan Story »). Il faut dire que J.Rawls est reconnu pour ce type de prod et ses breaks depuis les Lone Catalysts et d’autres projets comme son album en commun avec Declaime. Revisiter du Jazz et redonner un coup de jeune n’est pas une mince affaire, ce n’est pas une question de sampler telle ou telle portion d’un vinyle, il est aussi question de restaurer des classiques, jusqu’à utiliser de la contrebasse plutôt que des fausses basses sur clavier. De ce travail d’orfèvre résulte de belles perles noires : « She’s So Brillant » feat Rashad, « The 1960’s Jazz Revolution Again… », « Relax Your Mind » avec Tiffani Paige, le sud-américain « Music Is Forever » et « We Make The Rules ».
La côté Hip-Hop se manifeste plus particulièrement sur des tracks comme « Type Sounds » avec des scratches de DJ Rhettmatic (on en retrouve aussi sur « 1 of the Greatest ») et le boom-bap « Shooting Smack » feat K.Banger, que de savoureux instants procurés par ces superbes boucles jazzys, mais il arrive que le manque de rythme fasse défaut sur des titres pourtant bons comme « Know U » feat Invizible Handz et pire encore sur « Love Me Good » feat une rappeuse portant un nom bien de chez nous (Dominique Larue), on s’ennuie ferme sur ce beat dépouillé où il ne reste presque que le grésillement feutré du vinyle, occasionnant cet effet indésirable de faire du jazz une simple musique de fond. Fort heureusement, J.Rawls & John Robinson gèrent avec parcimonie l’équilibre entre rap et jazz. Cet album des Jay Are se déguste avec un cigare tant qu’à faire. Quand le groove est là, tout va.
Y a un moment que j’ai chroniqué cet album. J’en garde un bon souvenir. Un jazz feutré, classieux et pur. Du bon rap-jazz mais qui manque un je ne sais quoi pour en faire un opus excellent.
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