RZA « Digi Snax » @@@1/2


RZArza digi snaxL’architecte sonore du Wu-Tang Clan, le Abbot ou encore Bobby Digital, il existe une multitude d’appellations pour ce personnage énigmatique qu’est RZA, le MC/producteur qui cumule plus de quinze années de carrière en tant que tête pensante du Wu et une aura qui englobe maintenant le monde du cinéma (les BO de Ghost Dog, Kill Bill, Dérapages et son second rôle dans American Gangster de Ridley Scott) et de l’animation (Afro Samuraï). Malheureusement pour lui, ses frères Raekwon et Ghostface se sont rebellés contre lui peu avant la sortie de 8 Diagrams en Décembre, en crachant littéralement sur le fantastique travail qu’il a fourni à la réalisation du 5e opus du Wu-Tang (lire la chronique de 8 Diagrams du Wu-Tang). Six mois après ce fiasco, le RZA revient revanchard avec Digi Snax, son 3e album sous son alter-ego Bobby Digital et son premier disque depuis Birth of a Prince en 2003, qui avait laissé des impressions mitigées entre mince inspiration et éclairs de génie. 

Comme à chaque fois que RZA sort un album, c’est la grande inconnue, on ne sait jamais à quoi s’attendre en dehors du fait qu’il est le garant de l’esprit musical du Wu. D’autant plus que là, on est supposé avoir affaire à un album de Bobby Digital, or le ‘as Bobby Digital’ ne figure pas sur l’intitulé. On nage un peu dans le flou avec cette schizophrénie sans trop savoir si sur tel ou tel titre il s’agit du RZA ou de Bobby, mais des indices laissent croire que son visage masqué gonflé d’ego prédomine. A vrai dire, des éléments nous permettaient de le prévoir déjà sur la BO d’Afro Samuraï, les cinq dernières pistes étaient réservées à des track inédites sous le pseudonyme Bobby Digital. 

 

Place à la découverte de ce Digi Snax avec d’abord une intro qui démonte pour bien commencer et son single « Can’t Stop Me Now » (feat Inspectah Deck) qui rejoue admirablement « Message of a Black Man » des Temptations, dessus lequel plane le fantôme de son cousin Ol’ Dirty Bastard. On reconnaît bien là l’orchestrateur génial qu’est RZA, le même qui a accompli un taf de titan dernièrement avec la soundtrack d’Afro Samuraï et 8 Diagrams. Le côté sombre, lugubre et acoustique typique du son Shaolin ressort dans ses instrus, en particulier sur le morceau semi-éponyme « Booby Trap/Digi Snax » (feat Dexter Wriggles), ainsi que sur le bluesy « Money Don’t Owe Me » (avec le groupe Stone Mecca et Monk) et à la limite « O Day » si Bobby ne partait pas en vrille vers la moitié du morceau. D’autres morceaux plus éclatants contrastent l’ensemble, généralement grâce à des parties de piano du meilleur effet quand RZA joue les maestros sur « Drama » et le symphonique « Up Again » avec monsieur George Clinton. 

Ce n’est pas sans oublier que le bonhomme est un individu cyclotimique et peut nous envoyer dans la 4e dimension en un clignement d’œil. Le « Good Night » (feat Reverend Burk & Crisis), bercé par la voix de velour de Thea, est un vaporeux aphrodisiaque contant des expériences de fornications tout en métaphore, sur un beat planant qui ressemble à du Prince shooté au crack. On retrouve un peu cette ambiance légère sur « Love is Digi (part II) » et « Creep », très orienté hindou avec cette cithare continue où les raps hardcores des Black Knights et les basses nous permettent de garder les pieds underground. Mais pour saisir le sens des paroles de RZA, ce n’est pas une histoire réservée aux non-initiés. Il faudrait être un fin spécialiste de la philosophie Shaolin pour décrypter ses textes et éviter de croire qu’il brasse de l’air à chaque fois qu’il sort son katana du fourreau. Ceux qui y pigent que dalle s’en remettent alors à son flow si singulier, moins approximatif que naguère même s’il reste off-beat la plupart du temps (à moins que ses prods soient off-flow comme dirait crunkyboy). Point noir : « Put Your Guns Down » nous rappelle pourquoi on critique RZA d’être caverneux quand il omet de mettre un filtre devant son micro. 

Savant fou à ses heures perdues, Digi Snax est un nouveau théâtre d’expérimentations franchement pas toujours réussies, en tout cas sûrement pas coutumières. Le cas le plus démonstratif « Straight Off the Block », produit en collaboration avec David Banner, souligne une faute de goût de la part du RZA. Certes, donner une vibe sudiste pour se diversifier, c’est un choix créatif tout à son honneur. Toutefois, là en l’occurrence, il a une créativité de kamikaze puisqu’il part dans un trip chelou incompréhensible : en premier lieu, il tune sa voix pour la rendre plus grave et il baragouine quelques mots en français comme un touriste étranger. C’est bizarre, ça laisse incrédule, comme cet improbable sample de voix de Jay-Z (si c’est bien lui dont il s’agit). Moins expérimental, « Try Ya Ya Ya » fait aïe-aïe-aïe bobo la tête bien que l’instru ne soit pas particulièrement insupportable. 

 

Ce 4e opus de Robert Diggs (comme ça on est sûr de ne pas se tromper de facette) est tout aussi personnel que ses précédents, un nouvel exercice de style avec des inventions plus ou moins réussies, tantôt space, tantôt typiquement Wu. Par conséquent, il n’est que peu accessible aux personnes n’évoluant pas familièrement dans la sphère du Wu-Tang Clan. Une question subsidiaire demeure pour les intéressés : Laquelle pochette bariolée choisir, celle avec les filles topless ou habillées ?

2 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Milanico dit :

    Bonne Chronique d’un bon album. J’ai vraiment accroché à la majorité des tracks.

    PS :Le sample de « Straight Off the Block » c’est bien Jay-Z, ça sort de Dirt Of Your Shoulder.

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  2. baller38 dit :

    il est pas mal cet album, même si je m’attendais à quelquechose de moins….experimental.Mais il attire l’attention qd même, il y a des bonnes choses. Niveau vente, je pense qu’il sera malheuresement éclipsé par tos, nas, game, killer mike….

    PS:Et une ptite chronique de Presto?(state of the art)C’est une tuerie!!

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