Théoriquement,  Jay-Z était censé prendre sa retraite après sa trilogie Life. Mais c’était plus fort que lui, il a besoin du game et le game a besoin de lui. Avec de nouvelles chansons inscrites dans les méandres de ses neurones, il sort à l’automne 2000 son cinquième album ‘The Dynasty‘ sous-titrée ‘Roc La Famila‘, le Roc que Jayhovah sous son bandana noir signifie manuellement de ce signe triangulaire. Comprenez par là que ce LP n’est pas proprement dit un album ‘solo’ de Jay-Z, plutôt celui de son crew de Roc A Fella 2000 : Amil des Major Coins, Memphis Bleek, Beanie Siegel, Clue. Son entreprise ne connaissait pas la crise.

À la réalisation, Jay-Z s’est entouré d’une toute nouvelle équipe. Plus de Swizz Beatz, de Timbaland ou de DJ Premier, place au producteur de la Bay Area Rick Rock et un jeune premier très doué, Just Blaze qui détonne avec le morceau d’introduction. Résultat, à eux deux, quelques bombes au pif : la bombasse égotrippante « Change The Game » avec les mâles de chez Roc A Fella (ainsi qu’un refrain du regretté Static Major), le street « Stick To The Script » (avec son ambiance film policier 70s et ses scratches de DJ Clue?), « Get Your Mind Right Mami » avec Snoop Dogg ou bien le magnifique « Soon, You’ll Understand« . La vraie surprise du disque, c’est ce jeune beatmaker Kanye West. Il signe sur ‘The Dynasty‘ son tout premier beat pour son idole Jay-Z en compagnie de son autre idole Scarface : « This Can’t Be Life« , touchante lyricalement et musicalement. Kanye mettait déjà la barre très très haut. Lui, Juste Blaze et Bink! formeront par la suite le son ‘maison’ des futures sorties Roc A Fella Records à commencer par Blueprint.

Le quartet Memphis Bleek/Beans/Amil/Bleek se retrouve sur « You, Me, Him & Her » (produite par Bink justement). Memphis Bleek profite aussi d’un très bon essai solo avec « Holla » (qu’il co-produit) et avec Beanie Sigel, ils représentent « The ROC » tels les bras droits et gauches de Jay-Z, sur un gros instru de Just Blaze. Beans est le rappeur le plus représenté sur ‘The Dynasty‘ puisqu’il pose sur huit morceau (la moitié du disque en somme). Outre Jay-Z, ce MC de Philladelphie qui a grandi dans le banditisme est le meilleur du crew pour être honnête. Sur « 1-900-Hustler » (qui met en lumière le  candidat sérieux qu’est Freeway), « Street is Talking« , Beanie Sigel marque les esprits mais ce n’est pas grand chose comparé aux ressentiments envers son père qu’il évoque avec colère sur « Where Have You Been« . C’est également une très rare occasion d’entendre Jay-Z soit aussi personnel et percutant sur ce morceau sur le thème du père qui l’a abandonné. Les deux rappeurs étaient déjà émouvants sur « This Can’t Be Life » mais là les tripes se nouent et serrent.

Maintenant passons aux deux bombes dancefloors, assez opposées dans leur genre. D’un côté nous avec « I Just Wanna Love U » des Neptunes. Un Pharrell à la voix androgyne au refrain, beat addictif et coup de guitare efficace : cette première collaboration entre les producteurs surdoués de Virginia Beach et Jay-Z est validée. De l’autre, la super bombe dancefloor produite par Rockwilder, « Guilty Until Proven Innocent » avec R Kelly, où comment faire passer un message politique sur un beat dansant et électronique conçu par Rockwilder. Les deux artistes connaissaient bien à quel point la présomption d’innocence fait défaut aux Etats-Unis, eux qui seront empêtrés dans des procès médiatisés (Jay-Z pour avoir poignardé Lance ‘Un’ Rivera et, plus grave, Robert pour relations sexuelles avec mineures). Accessoirement ils sortiront par après deux albums communs  totalement loupés (Best of Both Worlds).

‘Roc La Familia‘ fait parti des disques méconnus et sous-estimés de Jay-Z. J’aimerais aussi lancer un avis de recherche pour retrouver Amil.