Jay-Z « The Blueprint²: The Gift & the Curse » @@@@½


Et puis il y a eu un ‘deux’… en exposant, pour annoncer un double-CD : The Gift et The Curse. Le pari était risqué pour Jay-Z : faire tapis avec deux paires, ses couilles et ces deux galettes. Réaliser un double-album n’a cependant rien d’un coup de poker, c’est déjà un lourd travail. Le rendre fondamental est une autre affaire, c’est l’attribut des grands rappeurs ou grands groupes, et Jay-Z était au sommet du rap game. 2Pac avait All Eyez On Me, Biggie Life After Death et le Wu-Tang Forever.  Considérés comme des classiques, ils n’étaient pas parfaits non plus il faut l’admettre, il y avait dessus quelques titres bouche-trous ou qui faisaient défaut.

Malheureusement pour Jay-Z, ce ne fut pas le cas pour lui, la critique fut plus tiède qu’espéré bien qu’en termes de ventes il égalait The Blueprint premier avec plus de 2 millions de copies vendues sur le sol américain. Rétrospectivement, appeler cet album The Blueprint² et le sortir juste un an après un classique instantané a été à la fois une malédiction et, mine de rien, une bénédiction. Il serait peut-être temps de la renconsidérer aujourd’hui.

The Gift

On ne change pas une équipe qui gagne, mais on peut y ajouter d’autres cadres aux statistiques impressionnantes. En bon manager, ça, Jigga l’a bien compris. Il reprend alors les éléments forts de The Blueprint, à savoir Just Blaze, Kanye West et Timbaland (qui seront les dénominateurs communs des 2 CDs), fait appel à Dr Dre et les hitmakers originaux des Neptunes. Kanye a la mission d’ouvrir le bal avec « A Dream« , ce qu’il réussit avec brio avec un sample rock/soul. Jay-Z démarre avec un couplet proche du phrasé racontant le rêve d’une discussion qu’il a eu avec Notorious B.I.G.. Et non seulement il utilise « it was all a dream » en scratches mais ré-utilise le premier couplet de « Juicy » et sa veuve Faith Evans pour le refrain. L’héritage spirituel. Cette apparition posthume est le premier événement d’une série de surprises qui parsèment ces 2 fois 11 tracks (+ les 3 bonus).

La seconde bénédiction sur cette galette est la seconde partie de « The Watcher » de Dr Dre. Tout le monde sait que Jay-Z a écrit le texte de rap du morceau original qui début le mythique 2001 du docteur. Celui-ci lui fait un retour de faveur avec les primes (un couplet phénoménal de Rakim et le refrain de Truth Hurts) et les intérêts en remaniant l’instru avec de nouveaux éléments (violons, guitare électrique…). Bien plus qu’un remix, une suite meilleure – si j’ose dire – que l’original. Faut-il s’attarder sur « ’03 Bonnie & Clyde » qui a officialisé la relation entre le rappeur et Beyoncé? Oui parce que ce road-trip crossover sample carrément la guitare sèche de « Me & My Girlfriend » de 2Pac, ce qui avait choqué les fans à l’époque (de son vivant 2Pac détestait Jay-Z). Il n’est même plus question de métaphore (la ‘girlfriend’ de ‘Pac était son flingue). Qu’importe, ce single rap romantique aura connu le succès qu’on connaît. Autre surprise : le premier rap de Kanye, l’une de ses rares performances avant son accident. Elle figure (non-créditée) sur « The Bounce« , sur un beat novateur de Timbaland. Tout de même, l’histoire se passe sur ce disque ! Oh, ce sample de « My Way » (version US de « Comme d’habitude » de Cloclo » sur le dernier morceau.

On n’en a pas terminé avec ce CD, même s’il ne contient que 11 tracks. « Hovi Baby » marquait les productions de bangers typiques de Just Blaze avec cette montée en puissance corrélée à des claviers qui vont crescendo. Cela lui permettait d’avoir un panel autre que les productions soulfuls presque jumelles de Kanye West (surtout quand il est question d’utiliser des samples pitchés). Kanye qui utilise ses fameuses percussions (une de ses anciennes marques de fabrique) sur l’uptempo « Poppin’ Tags« , en connexion avec Chicago avec Twista (prémice des futurs tubes entre lui et Yeezy) et Atlanta avec le trio Big Boi, Killer Mike et Sleepy Brown pour le refrain. La rythmique trop simpliste de « What They Gonna Do » designée par Timbo est compensée par des sonorités inédites mêlées à des percussions électro-tribales du meilleur effet dans l’outro. C’était également un prétexte pour convier Sean Paul, le jamaïcain roi des des dancefloors au début des années 2000. Les Neptunes étaient taxés d’avoir affaibli The Gift mais c’est nier le succès qu’a obtenu « Excuse Me Miss » (sans parler du remix monstrueux) avec les synthés aériens qui avaient si bien marchés avec 10 de l’oncle L. Sur une autre forme de légèreté, « Fuck All Nite » est l’archétype de la soirée sympa qui se réchauffe à coup de verres de champ’, Pharrell est tellement bien qu’il y chante du Usher.

The Curse

Après réalisé l’opération presser « eject » – retirer le CD1 – insérer le CD 2 – presser « play », c’est reparti. On retrouve immédiatement sur « Diamond is Forever » ces effluves de rock/soul qui étaient disséminé sur l’autre disque (et même sur « The Watcher 2« ). Passé cette revue du staff Roc-a-Fella Records invitant à faire le signe illum… triangulaire de la main, les intonations ckeu-ro s’intensifient sur « Guns & Roses » produit par Heavy D (RIP) avec monsieur Lenny Kravitz au refrain. D’autres symétries sont visibles, comme la présence de certains producteurs (Kanye, Just Blaze, Timbaland et les ‘Tunes) et d’une version 2/remix, ici « You Don’t Know« . L’instrumental de base de The Blueprint a été dopé par Just Blaze pour le rendre plus féroce (ajout d’un sample de voix rugissante) et les gros costauds des M.O.P. qui  officialisaient leur signature sur Roc-A-Fella (qui n’a hélas rien donné). Timbaland réalise le dangereux banger « 2 Many Hoes » et les Neptunes la jouent « N**** Please » avec le prometteur Young Chris (qui n’a jamais pu connaître une vraie carrière solo). Pharrell conclut cette seconde galette avec la « Ballad for The Fallen Soldier« , touchante mais pas pessimiste.

Après Dynasty, Beanie Siegel et Scarface se retrouvent sur « Somehow, Some Way« , cette fois pas sur un beat de Kanye West mais Just Blaze (il était parfois pas si évident de deviner qui produisait quoi entre les deux…). Pour ceux qui critiquaient une baisse du niveau lyrical de Jay-Z sur BP2, c’est qu’ils n’ont pas écouté attentivement l’histoire dramatique de « Meet the Parents« . En solo ou à plusieurs, il n’y a pas matière à départager ces onze autres titres. En parlant de supériorité numérique, le Roc-A-Fella se réunit pas tout à fait au complet sur « As One » (sur un sample archi-connu des Earth Wind & Fire). On compte Memphis Bleek, les Young Gunz, Oschino & Sparks, Freeway, le chanteur Rell et Peedi Crakk. Beanie s’est momentanément absenté et la rappeuse Amil a fait ses valises. Profonde nostalgie de cette bonne époque pour un label qui avait un bel avenir devant lui, sans se douter que le départ des cadres fin 2004 allait tout foutre en l’air. Pour rappel, Roc A Fella allait signer Kanye West en contrat artiste, Cam’Ron avait rejoint la team (sous la pression de Dame Dash), ainsi que deux autres pointures, à savoir Ol’ Dirty Bastard et Noreaga.

Les trois bonus tracks sont ce qu’elles sont : pas indispensables. Le remix de Digga de « What They Gonna Do » est loin de valoir la version de Timbaland et « Bitches & Sisters » accroche simplement pour son sample des N.W.A..

BP2

Alors, à bien y regarder plus d’une décennie après, The Blueprint²: The Gift & the Curse n’est pas une oeuvre si excessive, ni boulimique. Jay-Z a toujours été un rappeur prolifique, pas toujours constant certes, cependant ce double-album a été une étape pour dépasser ses limites, un exercice pour démontrer sa consistance sur un opus deux fois plus long, comme pour un marathon. Même si je continue de penser que Jay-Z est meilleur sur des formats courts. La version 2.1 justifiait sa commercialisation en compilant -subjectivement-  un best-of des 2 CDs. Mais si une sélection personnelle de onze-douze morceaux parmi 25 semble compliquée, ou que seulement deux ou trois ne trouvent pas grâce à vos oreilles, c’est que BP² est d’un niveau suffisant en tant que tel et que chacun des morceaux a sa raison d’exister en dépit de quelques faiblesses. Tout comme les autres grands double-albums rap. Quant à Kanye West et Just Blaze, ils confirment leurs fonctions d’ouvriers-architectes du son Roc-A-Fella (Welcome Home de Cam’Ron, M.A.D.E. de Memphis Bleek, Philladelphia Freeway…).

 

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