IAM « … de la Planète Mars » @@@@½©


Début des années 90, la France allait connaître un second pôle co-dominant avec Paris en matière de Hip Hop français :  la cité phocéenne de Marseille. À cette époque, seuls les connaisseurs et passionnés commençaient à prendre le rap à bras le corps et kicker des rimes pour faire comme les grands frères Américains mais à la sauce du pays. C’est alors qu’un « genre nouveau », si on peut dire, commence à émerger dans l’Hexagone, une musique de la rue, refusant la politique établie, revendicatrice, emmenant avec elles tous les clichés qualifiés de violents par les médias qui allaient avec. C’est dans ce contexte que six marseillais allaient mettre le pied dans l’inconnu. Leur aventure dans l’inconnu avait commencé en 1989 avec une cassette furtive judicieusement intitulée « concept »…

Rétrospective écrite en Juillet 2004


IAM (pour Imperial Asiatic Men ou Invasion Arrivant de Marseille, au choix) ou tout simplement ‘je suis’ (‘I am’). Présentations : Akhenaton aka Chill, origines napolitaines, porte-parole du groupe et rappeur ; Shurik’N, noir de peau, rappeur et danseur ; Malek Sultan (pas encore Freeman), origines maghrébines et breakeur ; Imhotep, pied-noir et architecte musical ; Kheops, touche à la prod et DJ ; Kephren, origines kabyles, danseur et manager du groupe. Par rapport aux groupes de l’époque comme NTM et Assassin, IAM était un groupe plus largement métissé, multi-disciplinaire (rap, danse et Djing), coupes au carré et moins agressif dans leurs propos tout en restant réalistes au possible. Ensemble, ils conçoivent à la fin des années 80/début des années 90 De La Planète Mars (1991° et pose l’un des premiers pilier du rap français jamais altéré par l’usure du temps.

« Je viens de M.A.R.S., non ce n’est pas une farce ». Le disque est devenu directement un classique de rap français, normal quand on est des pionniers, assumant leurs références US comme Public Enemy et Rakim. Les bonnes bases sont déjà présentes : style métaphorique stylé égypte ancienne et asiatique, flows rapides en adéquations avec les BPM de l’époque (120 en moyenne), parfois approximatifs et très hachés (c’est d’époque), et bien sûr des boucles soigneusement choisies et séquencées par Kheops et Imhotep, les deux architectes sonores. Les deux rappeurs AKH et Shurik’N portaient un phrasé certain, même si la voix de Chill à l’époque fait un peu rire maintenant. Et déjà les textes engagés (« Non Soumis A L’Etat« ) montrent clairement des intentions d’insoumis au système mais pas irréfléchies. « Ils sont arrivés un matin, par dizaines par centaines/sur des monstres de bois aux entrailles de chaînes ». Telle est l’introduction de « Tam Tam de l’Afrique » (qui sample Stevie Wonder), chanson chère au cœur de Shurik’N, dénonçant les horreurs de l’esclavage et de la traite des Noirs. IAM ne véhiculait pas qu’un message engagé politiquement mais aussi universel, ce qui faisait leur force et leur cohésion. Dans la même veine, « Red Black Green » et « Unité« , sont justement les morceaux qui conviennent pour dire qu’à l’époque, le rap était une « musique à messages ». Une des percées microphoniques qui fait l’originalité et l’unicité de ce premier album, c’est Akhenaton rappant entièrement en anglais sur « Wake Up » (samplant évidemment Marvin Gaye), et il peut se permettre lui qui a pu résider quelques temps à New-York et vu le rap s’y développer sur place.

Une chanson malheureusement absente au tableau mais uniquement en Face B, « Hold Up Mental« , qui est devenu une expression récurrente d’IAM. Parmi les nombreux interludes (« Crécelle », « Lève Ton Slip Mama »), on trouve aussi les premières apparitions de Malek dans son rôle de trublion et dont on sourit encore de ses problèmes de français sur « Do The Raï Thing« . Il faut savoir aussi qu’à l’époque, le Soul Swing’N Radikal (composé de Def Bond et Dope Rhyme Sayer, le frère de Shurik’N) était aussi le groupe marseillais à surveiller, ce qui leur a apporté le droit de rapper sur « Je Viens De Marseille« . Voilà pour les satellites tournant autour de La Planète Mars. Ce qu’on aime bien sûr chez les IAM, c’est les gros délires et les déconnades : « Attentat » est un égotrip hilarant, racontant une soirée bien arrosée et bordélique.  Un autre texte sous forme d’égotrip (leur spécialité) montre du doigt les rouages de la politique (« Le Nouveau Président« ), une attaque directe au Front National trop présent dans la région qu’ils attaquent sans relâche (« au royaume des aveugles, le borne est roi »). Ce qui ne leur empêche pas de laisser un court libre-court à leurs sentiments, de façon évasive, sur « Un Peu Trop Court » avec la rappeuse Lady B.

Que dire d’autre… À part que cet album culte et toujours d’actualité mérite de faire partie non pas seulement dans panthéon du rap mais également de la chanson française, et pas au sens variétoche péjoratif. IAM a ouvert les portes du hip hop marseillais en défrichant le maquis et dont la scène a bien fleurie durant la glorieuse décennie 90. C’était le début de la saga.

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