L’été 2004, David Guetta chantait « Money! Get rich! Or die tryin! ». Un tube dance très jet-set qui parle de ce que ça parle. Pendant ce temps-là, dans la bastion d’Aftermath, 50 Cent enchaîne les prises de bec avec de nombreux rivaux tels que Ja Rule, Jadakiss et compagnie, en plus de mettre en orbite sa nouvelle recrue The Game qui a cartonné ce début d’année avec ‘The Documentary’. Donc les diss pour se faire un peu pub, ‘The Valentine’s Day Massacre’ repoussé et écourté en ‘The Massacre’ pour faire monter la sauce : c’est encore du marketing signé Aftermath/Interscope, du rap bizness autrement dit. Sans parler de la formule déjà bien rôdée par son mentor Eminem, c’est-à-dire la ‘controversy sells’. Autant de faits qui ont pour effet de faire croire que l’album sera exceptionnel.
Mais ne vous leurrez pas, ceci n’est que du spectacle orchestré par 50 lui-même et ses deux producteurs, Slim Shady et Dr Dre. Depuis ‘Get Rich Or Die Tryin’ sorti il y a deux ans, Curtis Jackson pour les intimes, est devenu un véritable fauteur de trouble et cette fois, il a fait tomber le gilet pare-balles pour se montrer torse nu (voir cover). Un corps musclé pour exprimer une certaine immunité mais dont les traits soulignés rappellent que tout ceci n’est que superficiel et qu’il marche avec ‘S’ on his chest. Le challenge maintenant pour celui qu’on aime detester: vendre encore plus. Normal pour une personne qui relativise le talent en terme de ventes, question d’assurance? Et tiens, pour bien commencer ce massacre, sachez que The Game vient d’être limogé du G Unit! Donc ne le cherchez pas déjà en featuring sur l’album (aurait-ce été prémédité?).
Note : je me rappelle avoir chroniqué l’album le jour même de sa réception du CD (22 Février 2005). J’avais essayé dans l’intro de situer le contexte autour de cette machine marketing alors qu’il était le rappeur numéro 1 vs le rap game. The Massacre s’écoute encore tranquillement aujourd’hui, j’espère aussi que la chronique (qui n’a pas du tout été modifiée) rappelle bien le contexte de l’époque.
L’une des questions que l’on se posait sur ‘The Massacre’ était de savoir si Eminem et Dr Dre allaient produire ce disque en intrégralité. La réponse est non. Plutôt curieux surtout qu’il s’agit là de la seconde grosse sortie majeure du clan Aftermath de cet Hiver 2005. Eminem produit en tout et pour tout trois morceaux. On s’attarde en premier sur « I’m Supposed To Die Tonight » qui est un peu la suite de « Many Men (Wish Death) ». L’instrumental est moins ‘classique’ que ses productions actuelles alors que le thème est ‘classique’ de la part de 50 puisque ça parle de crever sous les feux. Les deux rappeurs font la paire sur « Gatman & Robin » plutôt trippante et entraînante grâce à ses basses de fond et ses riffs de guitares rock au refrain pour énergiser le tout. Le bon docteur quant à lui n’a laissé que deux beats (le fédérateur « Outta Control » et « Gunz Gon’ Come Out ») , c’est presque radin. Bon il faut dire qu’il a produit la moitié du dernier Eminem (‘Encore’) et quelques autres pour son protégé The Game. Ces deux morceaux restent dans les standards actuels de Dr Dre sans être exceptionnels, à croire qu’il ait réellement gardé ses meilleurs beats pour ‘Detox’! Toutefois 50 Cent s’en sort plutôt bien sur celles-ci même si une bombe du calibre de « In Da Club » aurait été la bienvenue. L’implication de Dr Dre et Eminem est donc moindre sur ce 2e opus, mais ils ne sont jamais loin quand il s’agit de mixer les autres morceaux.
50 Cent n’oublie pas non plus ses racines new-yorkaises caricaturée façon gangsta. Il a beau être la personne la plus detestée de la scène rap de New York, les morceaux plus Eastcoast lui conviennent bien mieux. Tant pis, on charge le disque et après une introduction bien morbide, on enchaîne avec « In My Hood » (prod. C Styles & Bang Out) et son finish au saxophone, et « This Is 50 » (prod. Sha Money XL). Hi-Tek ensuite apporte sa patte avec « Get In My Car » et « Ryder Music », avec comme vous pouvez le voir des sujets similaires. La dernière ressemble aussi un peu à « Runnin » (Cf ‘The Documentary’) mais en plus agréable et plus glamour en tout cas. Dans le même lot des petites tueries East, ajoutez « Ski Mask Way », « Position Of Power » et la finale « I Don’t Need Em » (prod. Buckwild) et son instru repris déjà par GhostFace (Cf ‘The Pretty Toney Album’) ce qui ne l’empeche pas de changer de flow en fonction des couplets. A l’inverse, on compte pas mal de bangers très typés orientaux, bizarrement, pour les dancefloors. Evidemment Scott Storch en est à l’origine: le single « Candy Shop » et ses sous-entendus très sexuels, « Just A Lil Bit » et le très bon « Build You » featuring l’Oscar du Meilleur Acteur 2005 avec Ray, Jamie Foxx. Plus « Disco Inferno » même si elle paraît moins attrayante que le reste. Autant les morceaux Eastcoast permettent à l’album de garder le cap, le style est plus adouci, d’autant plus que les tracks plus r&b n’arrangent pas forcément les choses (elles restent plutôt bonnes dans l’ensemble malgré tout).
Côté guests G Unit, on remarque d’abord la nouvelle recrue Olivia, chanteuse r&b. Ex-signataire de J Records (comme Busta Rhymes), elle est propulsée en exclusivité sur le premier single (« Candy Shop » et son refrain semblable à celui de « Magic Stick »): top promo pour la top-model bien greluchée. Pour l’anecdote, Clive Davis l’avait qualifiée de « voix de diva avec des lèvres de salopes ». On la retrouve pour donner un peu de charme sur « So Amazing » (prod. JR). L’un des membres qui fait une nouvelle fois forte impression, c’est Tony Yayo sur « My Toy Soldier » (prod. Eminem), puisqu’il reste le joker attitré de 50 Cent. Redoutable, voix particulière, lyrics assez francs, on attend de plus en plus impatiemment son album prévu cette année! Le G Unit au complet rejoint 50 sur le remix de « Hate It Or Love It » (le remix en bonus), produit par les producteurs/plagieurs Cool & Dre (on aurait cru du Kanye West) et déjà présent sur ‘The Documentary’ mais avec un verset différent de The Game. En tout et pour tout 6 featuring sur 22 morceaux, ça laisse pas mal de morceaux solo. Un bon point.
On passe plus en détail sur quelques chansons. « Baltimore Love Thing » qui relate les effets de l’héroïne en la comparant à une femme, un peu comme Nas parlait de l’argent sur « Money Is My Bitch ». Résultat, on croit encore à tort que 50 Cent parle encore de femmes… « God Gave Me Style » (prod. Needlz) reste un égotrip ‘détestable’ et vantard. Mais qui peut lui reprocher d’avoir raison? 50 fait maintenant parti des plus gros vendeurs rap et son succès mondial attise les convoitises. Ce qui nous mène à … (frottez vous les mains) la chanson qui fait couler beaucoup d’encres et autant de commentaires, la fameuse diss track « Piggy Bank » (traduisez la tirelire). Peu importe que le beat de Needlz ressemble à « Let Me In » de Young Buck, on s’attarde sur les textes. Beaucoup de rappeurs sont concernés: Shyne (« Big ol’ chrome rims, clean you know why I shine/ C’mon man, you know how I shine »), Jadakiss (« Jada don’t fuck with me if you wanna eat/ Cause I’ll do your lil ass like Jay did Mobb Deep« ), Fat Joe (« That fat nigga thought Lean Back was « In Da Club »/My shit sold 11 mill, his shit was a dud« ), Lil Kim (« Freak bitch look like Kim before the surgeory/ Its an emergency, a Michael Jackson see« ) et Nas et Kelis (« Kelis said her milkshake brings all the boys to the yard/ Then Nas went and tattooed the bitch on his arm »). Faut reconnaître sans être de mauvaise foi que c’est de la réplique facile mais l’effet est là puisqu’il se nourrit de ses détracteurs pour continuer à amasser à la pelle.
Que conclure? D’abord le million d’album dépassé cinq jours seulement après sa sortie(!), battant de nouveau le record de vente d’un album rap qu’il détenait déjà avec ‘Get Rich Or Die Tryin’ (plus de 800 000 exemplaires vendus en une semaine). Reste à savoir si les ventes de ‘The Massacre’ surpasseront celles de leur prédecesseur mais vu le lot de singles potentiels, il n’y aura aucun mal à allonger la durée de vie d’un album qui sonne plus G Unit que Shady Aftermath. Le massacre reste un cran de sureté en dessous de ‘Get Rich’ et légèrement en dessous de ‘The Documentary’ au niveau du fond. Les thèmes restent les mêmes : femmes, flingues avec le charme gangsta en plus des variations de flows et les refrains caractéristiques. Les auditeurs qui s’attendaient à une bombe le trouveront médiocre, contairement à ceux qui le trouveront plutot satisfaisant s’ils appréhendaient un disque sans aucun intérêt. Comme quoi, 50 Cent a beau avoir perdu beaucoup de street credibility, vendre son produit c’est ce qu’il fait toujours de mieux.